La diagonale virtuelle

La diagonale virtuelle

Le 17 octobre 2019, j’écrivais ça sur Facebook

« J-365 avant ca (sauf blessure ou chiage dessus de dernière minute)
En attendant, c est j-3 avant les templiers et j ai bien peur que la méteo soit conforme a toutes les ballades de la année…. humide »
 
L’image contient peut-être : arbre, plante, montagne, ciel, herbe, plein air et nature
 
 
 
… c’étais en 2019 et ça ne s’est pas exactement passé comme prévu.
  • Les Templiers – ANNULE pour cause de tempête
  • Ecotrail – REPORTE puis ANNULE pour cause de confinement et mesures de restrictions
  • Marathon de Paris – ANNULE pour cause de confinement
  • Maxirace – REPORTEE puis ANNULEE pour cause de Covid
  • OCC – ANNULEE pour cause de Covid
  • Grand Raid – ANNULE pour cause de peur des habitants

Alors voilà en quelques phrases, le truc « inratable » (sauf à se faire caca dessus) que j’ai quand même réussi à rater. 

Mercredi 14 octobre 2020 : J-1

J’aurai du être la réunion depuis 3 jours …
 
Mais ce matin je suis dans mon canapé à Toulouse. Il faut positiver :
Encore 365 jours pour peaufiner ma préparation !!!
 
Mais reprenons comme si nous y étions.
 

 

Comme le décrit ci bien « Les genoux dans le Gif », voilà l’état dans lequel je devrais être.
 
On aurait dû être en pleine semaine du Grand Raid Réunion. Voici ce que tu as raté :
  • Une attente interminable lors de la remise des dossards. Une épreuve avant l’épreuve.
  • Le stress avant le départ. T’as beau tremper tes lèvres dans une Dodo pour te détendre, t’es encore plus en stress que quand t’as rencontré beau-papa pour la première fois.
  • Le départ. C’est là que tu comprends pourquoi tu avais une séance de piste sur ton plan d’entraînement.
  • Les premiers kilomètres. La vie est belle, le jour se lève, le bonheur. T’inquiète pas, ça ne va pas durer.
  • Cilaos. Le « faudra arriver frais à Cilaos » est un vague souvenir. Les cuisses ont hurlé dans le Coteau Kerveguen, t’as déjà vomi deux fois et ta cheville droite a cru que c’était une bonne idée de se plier vers l’intérieur. Que la fête commence.
  • Le Taïbit. Ça y est, t’es dans Mafate. Le truc le plus fort que t’as vu dans ta vie, si si loin devant la naissance de ton premier enfant (mais ça faut éviter de le dire sinon ça va encore faire des histoires).
  • Mafate. Le coeur de l’île est sublime, inversement proportionnel à ton état physique. On te montre le Maïdo à grimper, tu crois que c’est une blague. Un peu plus tard tu pleureras.
  • Les sentiers Péi. Quand ça monte tu veux une descente, quand ça descends tu veux une montée. Mais ce que tu veux par dessus tout, c’est que tout cela se termine.
  • Les délires qui suivent : Ratineau, Kaala, chemin des Anglais… Des tortures qui n’ont rien à envier à celles pratiquées pendant le moyen-âge. Et oui, tu pues autant qu’un type de cette époque.
  • La pause avant la descente du Colorado. Sur une autre course, quand il reste moins de 5 kilomètres tu te jettes dans la descente sans cogiter. Là, mieux vaut être lucide si tu ne veux pas te fendre le crâne alors que tu vois La Redoute.
  • Le stade de La Redoute. La délivrance. Tu aimes ton corps mais lui te déteste. Tu vas d’ailleurs le mettre encore plus en PLS avec une bière avant de t’effondrer définitivement sur l’herbe aussi confortable qu’un lit king size dans un grand palace.
 

Jeudi 15 octobre : 22h à la Réunion

KM : 0 / D+ : 0 / D- : 0 / 0h00 de sprint

Normalement j aurai du commencer a courir . La seule fois des 60 prochaines heures !!!!

 

Vendredi 16 octobre : 10h à la Réunion

KM : 58 / D+ : 3000 / D- : 900 / 12h00 de course

A cette heure ci, j’aurai du être par la.
58km parcourus, déjà 3000m de D+ et juste avant de se manger une descente de 900m de D- en 2,5km (pente moyenne : -38% ! sympa pour les cuisses !)
Normalement l’ambiance aurait du être festive quoi que probablement quelques signes de fatigue pas forcement rassurants quand il reste plus de 100km et 48h de course à parcourir.
 
 
 
Vendredi 16 octobre : 14h à la réunion

KM : 68 / D+ : 3100 / D- : 2300 / 16h30 de course

A cette heure ci, j’aurai du quitter la base de vie de Cilaos depuis quelques minutes et m’engager sur la montée du Taibit.
Comme dit le proverbe : « les choses sérieuses commencent ».
Sauf qu’avec presque 70km dans les pattes, 16h30 de balade, 3200m de montée et 2300m de descente, j’aimerai bien qu’on m’explique ce que c’était « avant les choses sérieuses ».
En tout cas, j’aurais probablement essayer de profiter à fond des derniers instants de soleil de la journée.
 
 
 
Vendredi 16 octobre : 18h à la Réunion

KM : 76 / D+ : 4500 / D- : 2400 / 20h de ballade

Dans quelques minutes, il va faire nuit à la Réunion.
 
Fin de la première journée.
 
J’aurais du être par la (un peu après le milieu du Taibit) pour déguster la fameuse tisane ascenseur.
Alors que la deuxième journée se profile, il est probable que les premiers instants de fatigue avec son lot d’hallucinations pointent leur nez. Mais courage, la stratégie est de rentrer dans Mafate avant d’essayer de dormir.
 
 

Samedi 17 octobre : 0h00 à la Réunion

KM : 95 / D+ : 5100 / D- : 4200 / 26h de randonnée

Il est presque minuit à la Réunion, je devrais être quelques part vers Ilet à Bourse, perdu dans l’immensité de Mafate. Un peu avant, j’aurai cheminé sur Sentier Scout et ses vertigineux précipices. (Heureusement de nuit, on ne doit pas trop s’en rendre compte).
Le vainqueur, François D’Haene, est arrivé depuis 2h et il est entrain de se remettre de ses crampes devant une petite raclette arrosée de 1 ou 2 bons verres de rouges (pas plus).
Quant à moi, je suis entrain de me maudire.
  • Qu’est ce que je fous la !
  • Et ces montées et ces descentes qui n’en finissent jamais !
  • Si au moins, j’avais pu choper un virus de merde 1 semaine avant le départ, j’aurais eut une bonne excuse pour ne pas prendre le départ …
 
Heureusement dans moins de 6h, le soleil va se lever sur la deuxième journée et les cartes devraient être redistribuées.
 
 

Samedi 17 octobre : 12h00 à la Réunion

KM : 120 / D+ : 7100 / D- : 5900 / 38h de galère

Samedi midi à la Réunion, je devrais être quelques part dans la descente vers Ilet Savannah.
La deuxième nuit a probablement été difficile. Il aura fallu essayer de dormir quelques minutes mais au matin, j’aurais eut la chance d’un lever de soleil pendant l’ascension du Maido, un mur de 1500m de D+ a avaler en moins de 6KM.
Cette sortie du Maido vers 8h30 du matin aura du me redonner l’espoir de jours meilleurs même si il reste encore une bonne soixantaine de KM à parcourir.
 
 
 

Samedi 17 octobre : 22h00 à la Réunion

KM : 144 / D+ : 7900 / D- : 7900 / 48h de délire

22h à la réunion, cela fait 48 heures que je promène. A cette heure je devrais être à la Possession, avoir quitter le ravito et me diriger vers le chemin des Anglais.
La deuxième nuit a déjà commencée depuis 3 heures. 2 nuits et c’est pas fini.
 
La journée passée aura certainement été longue, une longue descente vers la mer, normalement j’aurais retrouvé Sandrine et les enfants à Ilet Savanah pour un gros arrêt de 2h puis à nouveau à la possession avec peut être Arthur qui m’accompagne sur le chemin des anglais (qui n’a pas été fait par les Anglais, mais qu’on a nommé comme ça parce c’est le truc le plus chiant qui existe)
 
Le morale devrait normalement être bon, par opposition avec le physique qui lui devrait être en dessous de tout. Il ne reste que 20km à parcourir mais ça semble tellement long à ce moment là de l’aventure. (et pourtant ce n’est qu’une petite sortie longue).
 
 
 

Dimanche 18 octobre : 9h00 à la Réunion

KM : 167 / D+ : 9100 / D- : 9100 / 59h de d’introspection

il est 9h à la Réunion, je devrais être par là et en avoir fini avec cet enfer.
 
La nuit aura probablement été longue et contrastée :
  • D’un coté la joie violente lorsque vers La Grande Chaloupe, tu te rends compte que tu vas finir
  • De l’autre coté l’épuisement extreme physique et psychique qui fait que tu te fais doubler par les escargots et que tu avances comme un zombi sans expression, sans but.
 
Il m’aura quand même fallu 11h pour faire les 25 derniers KMs. ça laisse songeur.
 
Au final, il aura fallu affronter le chemin des Anglais puis la dernière montée sur le Colorado puis au lever du jour la dernière descente avec en point de mire le stade et la ville.
 
A l’arrivée, probablement pas d’effusion de joie (elle aura déjà eut lieu quelques KMs avant), mais une certaine sérénité en attendant d’être rattrapé par les douleurs de tout poil qui vont pointer leur nez d’ici quelques heures.
 
 
 

Lundi 19 octobre : 9h00 à Toulouse

Ce matin au réveil, pas de courbatures, pas d’ampoules, pas de souvenirs plein les yeux.

En guise de Grand Raid, j’ai accompagné Arthur à son match contre Langon puis nous sommes rentré tranquillement profiter du couvre-feu.

Retour à l’entrainement dès ce soir, avec un objectif de perdre les quelques kilos pris depuis le mois d’aout quand j’ai pris conscience que ça n’allait pas le faire.

Le voyage de Toussaint a été reprogrammé à Noel, et la Diagonale 2021 est d’ore et déjà réservée.

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